La nouvelle, comme il sied à toute rumeur, courût rapidement les marchés et les halles, incendia les cours de la bourse, justifia des éditoriaux acerbes - ce que les journalistes ne découvrent pas en première main relève forcement du complot- fît cinq fois le tour de la ville, dont deux en sens inverse, se perdît dans des quartiers aisés où des cossus tout juste réveillés s'esclaffèrent d'une telle indécence, et, finalement, vint mourir sur le parvis d'une église, à l'heure de Mâtines.
Ce fût là , à commencer par les fidèles, un défilé ininterrompu aux sons des cloches et d'idiots faisant file. Mon individu gai et enjoué réalisa des prodiges. On vint l'astiquer comme on frotterait une lampe et son djinn. On accourait choisir son désir pour repartir avec sa réalité. Sans le poids du remords, en prime, puisque cette opération relevait de la fantaisie d'un autre. Toute la ville y passa, mêmes les plus réticents, même le président de la Cour d'Appel.
Ce ne fût qu'à l'heure des Vêpres que notre personnage réalisa combien sa tâche était ingrate, insoluble, le monde ayant besoin certes de fantaisies mais plus encore de se livrer du poids de l'intention.
Alors il grimpa dans un arbre,ne parla plus qu'aux oiseaux. Eux, au moins, volent sans penser à mal. Depuis on l'entends tous les jours chanter avec eux, après Mâtines et jusqu'au crépuscule.
Les passants, hélas, s'en indiffèrent. Ils ont toujours une intention derrière la tête.
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