Renaissance
La brume se dissipe. Elle se vaporise en fines particules, en couleurs fugitives. C´est toujours ainsi que la nuit s´échappe, se débarrasse de son voile de pénombre. Et lentement se farde de précieuses lumières. Ainsi qu´elle s´efface devant le disque tremblotant qui pointe, qui l´embellit de rais mandarines, de déclinaisons roussies. Bientôt, erubescentes, ces strates tendront vers le flamboyant et achèveront d´embraser l´horizon naissant. Une légère brise balance les cerisiers qui surgissent dans mon champ de vision. Eux aussi sortent de leur torpeur nocturne. Ils se détachent délicatement, précieusement, dans l´aure qui les caresse. Tels des témoins semblant passer une tête curieuse par la fenêtre restée ouverte! Papa serait fier de voir ce qu´ils sont devenus ces arbustes que nous avons plantés, un jour, ensemble. Ils ont survécu à sa soudaine disparition. Il y a si longtemps déjà. Que deviendront-ils? Qui prendra soin d´eux? Y-aura-t-il, parmi ceux restés à mon chevet cette nuit, un regard amoureux qui prendra soin de nos racines, qui acceptera la charge de jardinier? Le temps presse. Plus la lumière s´affirme, plus mon ciel s´obscurcit. Une main sur laquelle rebondissent des gouttes de rosée a pris la mienne. Mais elle ne me retient pas. Seulement m´accompagne. Et, flottant, déjà presque libre, un dernier bonheur sous ces ongles noircis par des traces de terre. Je peux partir tranquille, rassuré et paisible. Une saveur griotte dans la bouche.