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24 juillet 2006

Le Docteur orgiastique et le Taxidermiste

taxidermiepar Sylvie Cador

J’éclate de rire.
             

               Toi frigide ?


               Ne ris pas, dit-elle, c’est vrai que j’ai une tonne d’amants, mais je ne ressens rien, je fais mine de jouir. Devant son désarroi je lui conseille d’aller voir un spécialiste puisque paraît-il cela existe.

               Magnifiquement jolie. Son corps aux formes pulpeuses et plastiques attire tous les hommes jeunes et vieux. Un jour à la terrasse d’un café ensoleillé, elle m’avoue son secret.


               Oui, mais si tu viens avec moi


                D’accord lui répondis-je, allons au planning familial. Cette organisation lui donne une adresse et immédiatement Y prend un rendez-vous.

Nous arrivons boulevard Haussmann devant un immeuble très cossu. Pas de plaque noire ou dorée. Nous soulevons la lourde porte à deux battants. Le concierge nous indique « 4ème étage, porte à droite de l’ascenseur ». Nos pas sont feutrés par une épaisse moquette gris souris. Y, aux doigts tremblants sonne à une porte capitonnée de cuir. Une veille femme nous ouvre, petite maigrichonne effacée, et toute revêtue de gris assorti à la moquette gris souris. Timidement elle nous indique la salle d’attente, feutrée de gris. Une porte s’ouvre, c’est le docteur, taille moyenne trapu cheveux noirs vêtements noirs. Il nous fait entrer et s’assied derrière un bureau en marqueterie trop large pour lui. Sa voix est très douce, trop douce. Il tire un tiroir et sort un paquet de lettres, il en ouvre une et la lit. C’est une lettre de remerciement pour ses bienfaits, recommandations nous dit-il. Puis il s’adresse à Y : « N’ayez crainte quelques exercices de massages intérieurs seulement pour réveiller vos sens endormis. »

Il ouvre une autre porte adonnant à son bureau. Y le suit. Une pièce sombre encombrée d’appareils machines tous mécaniques bois ou ferraille. Il lui semble apercevoir dans ce débarras quelques outils spécialisés pour les hommes avec des pics, des globes, des pots de chambre aussi, mais elle n’en est pas sûre, trop d’imagination sans doute, instruments de torture de toutes les grandeurs, petits et grands, par terre, accrochés aux murs, mais sa peur fait trembler sa mémoire. Pourtant elle reste, elle veut apprendre à jouir.

Le docteur la dirige vers le fond de la pièce où se trouve un lit ressemblant à celui d’un gynécologue. Y se rassure. De sa voix très douce il lui demande de se mettre nue et de s’allonger. Il est très vieux. Y n’a plus peur. Elle obéit. Elle se couche sur la table, ses jambes ne sont pas relevées sur des trépieds comme chez les spécialistes en gynécologie, mais écartées tout simplement. Et comme un gynécologue examinant ses parties internes, le docteur rentre un doigt (peut être deux, elle ne sait, la tête en haut le cul en bas). Il effectue un vrai massage en va et vient sur ses muqueuses endormies. Il lui demande de respirer si elle le peut en cadence avec ses mouvements, et de temps à autre il lui pince le bout de ses seins, même peut être qu’une fois il a sucé l’un de ses tétons.

Cet exercice dure 20 minutes. Y descend de la table, un peu chancelante, le remercie, se rhabille, et prend un nouveau rendez vous. Elle veut me rejoindre dans la salle d’attente, mais perturbée en quittant ce lieu Y se trompe de porte.

Elle descend précipitamment un petit escalier en colimaçon, rate une marche, tombe. Son corps riboule et s’écrase au seuil encore d’une autre porte qui s’ouvre d’elle-même sur une cour carrée enclavée dans le béton de l’immeuble envahi de lierre grimpant dissimulant les quelques murs restants.

Un homme-lierre accourt.


               Vous désirez Mademoiselle ? OK, je vois à votre joli minois légèrement naïf doux et obéissant. Ce que je peux réaliser un chat ou un lapin. Oh non, plutôt un joli petit oiseau apeuré. Je vais mettre une paille dans votre esprit, mais il faudra toujours m’obéir, nous sommes bien d’accord ?


               Que voulez-vous dire Monsieur, je ne comprends pas.


                Vous ne savez pas qui je suis ?


                Non Monsieur, je suis tombée dans l’escalier et votre porte s’est ouverte.


                Quel sale boulot, pense t-il tout haut, ils ne les préviennent même plus.


               Eh bien, ma petite demoiselle, je suis le taxidermiste


              Cela veut dire quoi ?


              Je dépouille les hommes de leur peau, retire les intestins que je remplace par de la paille, et selon leurs goûts ils gardent leur vieille peau ou je les change dans l’animal préféré de leur choix. Le taxidermiste sort un mètre de sa poche de lierre. Il prend les mensurations du cerveau d’Y, largeur, longueur, hauteur. Y hurle à la mort.


             Mais je ne suis pas morte Monsieur, je veux vivre moi.


            Avez-vous le choix, répond le taxidermiste, pourquoi, pour qui ? Moi, mon métier c’est d’empailler les morts, quant à empailler les vivants, peut être demain ou aujourd’hui, pourquoi pas.

Sylvie Cador

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