Le rêveur du val

Le rêveur du val

Là tout n'est que luxe, calme et volupté....

Le rêveur est allongé sur un parterre de fleurs. Il se laisse emporter par des considérations bucoliques, seul, dans cet infini qui le porte et le berce. Il a ainsi passé toute la journée, scrutant l'horizon, admirant les jeux de lumière, les reflets, les caprices du soleil, ses balbutiements derrière les nuages. Il a contemplé le ballet incessant des oiseaux dans le ciel, leur ronde magnifique et volage, précieuse émanation d'une liberté absolue. Il a humé le vent, frissonné sous son velours, son touché délicat, s'y est presque oublié, lui aussi, déjà, un peu merle ou grive. Il a senti cette odeur profonde, cette senteur de la terre humide, en a deviné une population cachée, timide et souterraine, à peine effrayée par la stridulation des cigales.

Il s'est plusieurs fois demandé mais pourquoi donc ne pas mourir maintenant, s'abandonner, s'incorporer à cette luxueuse tranquillité, être un peu de cet immuable? Pourquoi aussi toujours passer au large de l'essentiel, ignorer si superbement l'essence de la création, probablement divine, tout simplement magique?

Et puis dans le soleil couchant, là, sur la colline voisine, il a perçu comme un scintillement, une luminosité fragile accompagnant une ombre fugace et mouvante. Alors, pour mieux en évaluer toute l'intensité, toute l'improbabilité, il a plissé les yeux et ajusté sa lunette.

Il a tranquillement actionné la gâchette. Le coup est parti. La silhouette s'est effondrée.

Et le calme est revenu sur le champ de bataille.