Espoir d'enfant
Le bruit diminue, devient moins lancinant et monotone. Les roues s'entrechoquant sur les traverses de la voie se font ainsi plus discrètes. C'est sur. L'arrivée est imminente. On va enfin pouvoir se dégourdir les jambes. Et puis c'est une nouvelle vie qui s'annonce. C'est un nouveau départ que nous prenons. C'est mon grand père qui me l'a dit.
Lui, il dort encore. Le pauvre! A son âge! Tout recommencer à zéro. Il a un sacré courage. Alors il dort, c'est normal, aggrippé à nos valises.
On a tout emporté, rien laissé. C'est dire si on avait peu de choses. Mais on n'a pas oublié le superflu, les souvenirs , les lettres, et toutes les reliques qui n'en prendront pas pour autant plus de valeur.
Nous recommençons une vie, ailleurs. Et c'est drôlement excitant. Et puis, il me l'a promis. On m'achêtera un complet tout neuf, avec des chaussures d'un beau cuir brillant. Sans aucun doute, je serai le plus beau, le plus élégant dans ma nouvelle école. Et il est hors de question que j'arrête le piano. Cela aussi il me l'a garanti. Dès notre arrivée, on se mettra à la recherche d'un autre professeur. Monsieur Samuel, lui aussi, a quitté la ville. Au besoin, c'est grand père qui m'aidera. Quoiqu'il affirme qu'il n'ait plus rien à m'apprendre, que je joue trop bien pour lui.
Le train ralentit encore. On arrive, j'entends des aboiements de chiens. A travers les interstices de la porte, j'ai vu écrit sur une pancarte "Buchenwald". J'espère qu'on trouvera aussi un joli piano.