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4 mars 2006

Et pourtant je m'en tamponne

Y a-t-il dans l'histoire de l'humanité symboles plus représentatifs
de la compassion que ces corps frêles, ceints d'une toile dérisoire,
et qui pourtant, dans le dénuement et la simplicité, parvinrent à
s'effacer derrière le superflu pour ne révéler que l'essentiel ?

Quotidiennement sous nos contrées naissent d'admirables vocations. On
en questionne la justesse, la légitimité, sous prétexte qu'elles
s'attaquent à des injustices que l'on cautionne sans le vouloir ou
sans même le savoir. On les ignore aussi par confort, par égoïsme ou
par lâcheté. Souvent parce que l'on voit avec plus d'acuité le
malheur des autres. Parce que nous n'avons pas la consistance pour
affronter nos propres maux. On a ses miséreux mais on les cache. Ceux
des autres sont toujours plus pitoyables. Surtout lorsqu'ils hantent
des contrées lointaines

Il est étrange de réaliser que ces images qui restent gravées dans
notre inconscient ont pour toile de fond une même terre, un même
peuple, une même lutte. Un combat pour l'homme et ce droit
inaliénable qui est sien mais dont parfois il ne se bénéficie pas
même de l'usufruit : le droit de vivre.

Qu'ont-ils donc en commun ces corps chétifs, pliés, broyés, culbutés
parfois par la haine, par le mépris mais qui mille fois renaquirent
de l'inexorable suffisance de la chair par la seule force de la
conviction ? Pourquoi semblent-ils tellement semblables quand leur
lutte parut antagoniste ?

L'un ne connut de répit à lutter contre un oppresseur qui s'amusait à
voir en lui un simple agitateur pour par la suite lui découvrir une
envergure révolutionnaire. Et cette stature aurait pu s'effacer tel
un simple remous de l'histoire si elle ne s'était appuyée sur la
nécessité vitale de devoir rapprocher les peuples, de gommer les
différences existantes entre eux.
L'autre poursuivit sans relâche une foi peu différente, en apparence
plus métaphysique, mais avec une vocation plus grande que de
seulement réconcilier les consciences à un fil divin. Son véritable
combat fut justement de restaurer l'espoir là où il n'avait plus
raison d'être. De raviver une parcelle d'humanité chez ceux n'ayant
pas même l'espérance d'accéder à un quelconque paradis puisque leur
existence paraissait déjà tellement à un purgatoire auquel on les
avait condamnés.

Déjà semble poindre des dénominateurs communs à ces deux créatures
d'exceptions. Car jamais ils n'auraient pu envisager de tels desseins
s'ils n'avaient d'abord été animés par un même credo, une
inébranlable assurance que seules la volonté et la détermination
permettent de triompher de toutes les adversités. Tenter, oser, ne
jamais fléchir, ou alors tel le roseau pliant sous le joug du vent
pour mieux se redresser, et toujours maintenir vivaces et clairs les
objectifs que l'on poursuit comme les moyens que l'on se donne pour
ce faire.

Oui ! On ne se ménage plus grande opportunité de réussir dans ses
entreprises que lorsqu'on en détermine exactement les fins, et
lorsque surtout on les poursuit avec fermeté, sans que cette ténacité
toutefois ne prenne les apparences d'une obstination maladive. Car le
fin stratège sait envisager ou prévoir chaque point de ruptures qui
pourraient mettre à mal son projet, les devancer ou les contourner,
et possède surtout cette précieuse aptitude cultivée chez les bons
joueurs d'échecs de toujours se ménager un coup alternatif.

Parfois pourtant, il est nécessaire de posséder plus que de force de
volonté pour triompher de l'impossible. Il faut aussi être mû par des
certitudes. La plus cruciale est d'être convaincu que ce que l'on
fait est juste. Certes penserez-vous, la notion de justice est bien
relative, imprécise et aléatoire en ce sens qu'on peut en déterminer
les conditions sans néanmoins en garantir l'application. Est-ce être
juste que de vouloir ouvrir une porte quand les tunnels sont
obscurs ? Est-ce être juste que de redonner ses yeux à un aveugle ou
une nouvelle volonté de vie à un désespéré ? N'y a-t-il pas une
certaine justice chew celui qui combat la tyrannie pour redistribuer
la liberté ? Qui dit « je t'aime » à ceux qui prétendent ne plus
avoir de coeur à offrir ?

Face à la misère que chacun ils combattirent à leurs façons, c'est de
leur propension à la renonciation dont ils tirèrent le meilleur
allié. Le combat qu'ils menèrent ne fut pas les leurs mais celui de
tous. Eux-mêmes n'étant qu'un moyen, une parcelle de cette
détermination commune qu'inlassablement ils tenteront de révéler dans
le cœur de leurs proches ; dans celui de leurs ennemis ou détracteurs
aussi. La renonciation n'est pas l'abandon égoïste de soi au profit
des autres. C'est l'effacement que l'on concède aux autres lorsque la
satisfaction et le bien-être de ceux-ci priment sur la satisfaction
d'ambitions purement personnelles.

Enfin leur combat eût-il été si poignant sans l'amour qu'ils
éprouvaient pour ceux pour lesquels ils luttaient. Peut-on faire
faire fructifier une terre stérile sans y être attaché ? Comment
élever un enfant sans éprouver pour lui plus que de l'affection ?
Comment soigner les plaies d'un pestiféré ou le corps décharné d'un
malade en phase terminale si l'on ne trouve aussi quelques raisons de
l'aimer ; ou du moins simplement d'aimer la vie ?

Arrêtons un peu de rêver et de deviser. Ces créatures d'exception
certainement vous les croisez. Elles sont dans vos villes, dans vos
banlieues. Peut-être elles vous sont voisines, sans même que vous ne
le sachiez. Bien sûr, elles ne font qu'un travail de fourmis.
Chacunes, à leurs manières, elles contribuent à raccourcir l'espace,
à diminuer le temps, à combler les oublis. Très certainement, elles
ne feront pas disparaître la misère, et, c'est possible, malgré toute
leur bonne volonté, ne pourront peut-être en apparence rien n'y
faire. Pourtant chacune à son importance.

Tel l'oiseau laborieux et têtu que l'on interroge, rigolard, et qui
chaque matin transporte une goutte de rosée dans son bec pour la
laisser choir dans l'océan.
« Que fais-tu l'oiseau ? Jeter une goutte d'eau dans l'océan cela ne
sert à rien !
Mais si – réponds justement l'oiseau. Une goutte d'eau cela peut
faire LA différence ! »

Alors bien sûr, tous les oiseaux ne s'appellent pas Gandhi ou Mère
Thérésa. Mais si vous ouvrez les yeux et que vous tendez l'oreille,
vous en découvrirez très certainement d'autres avec de bien belles
couleurs.

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Commentaires
C
Je cherchais le moyen de te joindre pour te remercier de ton geste pour Elodie... et ma souris m'a amené ici, pour y lire "Et pourtant je m'en tamponne" (lol)<br /> Aucun texte ne pouvait mieux illustrer ce que tu avais eu la gentillesse de faire pour cette petite anorexique : trouver les mots justes, pleins de réconfort et de forces sans leçon ni pitié, seulement donner le courage d'avancer, et de çà je ne t'en serais jamais assez reconnaissante. <br /> Tu ne t'appelles pas Gandhi ou l'Abbé Pierre, mais toi aussi Xaba, tu es un bel oiseau ! <br /> Amicalement. Clo
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