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11 juillet 2006

Mais où sont donc les responsables

Si il est un sujet sensible au Brésil, c'est bien celui du football. Tout ce qui tourne autour du ballon rond prend une importance si grande qu'il faut véritablement peser ses mots avant d'émettre le moindre avis sur le sujet. Le pays compte en effet 180 millions d'entraîneurs en puissance. Quand l'un d'entre eux, le titulaire en poste de la "Seleção", commet une faute, c'est à dire ne gagne pas, les autres s'en donne à coeur joie.

Mais plus que dans d'autres pays peut être, et surtout lorsqu'il s'agit d'une discipline sportive, et à fortiori d'un sport collectif quand par définition on considère un groupe d'athlètes, il faut nécéssairement trouver LE coupable qui explique justement pourquoi le groupe a perdu.

Quand on examine de plus près, et avec un oeil extérieur, le comportement et la mentalité brésilienne, on comprend aisément pourquoi.

Tout d'abord il est admis une bonne fois pour toutes que le football brésilien est le meilleur du monde. Inutile de prétendre le contraire, de suggérer quoique ce soit qui puisse, ne serait-ce que durant une micro seconde, envisager une autre solution.  Il est vrai qu'au fil de l'histoire mondiale du football, le Brésil a introduit un brin de folie et de fraîcheur dans le concert des nations, à inventé une manière de jouer, cabotine, extravagante, souvent géniale, justement parce qu'elle laissait s'exprimer la primeur de ses exclusivités, de ses individualités exceptionnelles. C'est d'ailleurs encore la magie de ces individualités qui continue de contaminer le monde entier battant des deux mains partout où le football "à la brésilienne" se décline.   Dominant durant de nombreuses années, le Brésil s'est habitué à gagner et a rapidement considéré que le titre de champion du monde était une chasse gardée, que nulle part ailleurs il ne serait jamais possible d'accrocher autant d'étoiles sur son maillot. D'ailleurs le football Brésilien est tellement le meilleur qu'il le reste même quand il perd ce qui est un comble pour les autres pauvres pays ne se contentant pas simplement d' une réputation qu'ils n'auront jamais, ou alors peut-être celle d'avoir volé le titre du Brésil, mais aussi de gagner, parfois même contre les Brésiliens. C'est rare mais cela arrive. Et c'est forcément injuste.

Le Brésil ne peut pas perdre parce que la sélection nationale est imbattable. Ceux qui disent le contraire feraient mieux d'aller jouer aux dominos (  encore que là aussi en matière de dominos il y aurait à dire sur l'imossibilité de remettre en question la suprématie brésilienne dans cette discipline).

Puisque la seleção est imbattable, il est bien clair que collectivement elle est intouchable. Oui! C'est l'emblème d'un peuple, la fierté de tout un pays, le bras vengeur qui fait que du nord au sud du pays on a le sentiment d'exister, qu'on ne vit pas seulement à l'ombre des grandes puissances, du "primeiro mundo"(1), qui fait surtout vibrer   cette sensibilité exacerbée et ancrée dans le coeur de chacun, qui permet ainsi de prendre une certaine revanche sur la vie, cette existence si dure, si ingrate, si injustement inégalitaire et même parfois  scandaleusement opprimante que subit une grande part du peuple brésilien sur son propre territoire national.

La selecão ne peut pas perdre parce qu'elle est la meilleure. Alors quand elle ne gagne pas , c'est forcément la faute à quelqu'un. C'est à la faute à l'entraîneur, c'est à la faute à l'attaquant, à l'arbitre, à l'adversaire, aux dirigeants qui ont acheté ou vendu le match, c'est la faute au ballon, à la pelouse, c'est la faute à pas de chance!

Difficilement on entendra que l'équipe nationale a été mauvaise, n'a pas bien joué et ne méritait pas de gagner. Il est impensable d'ailleurs de ne pas écouter, dans l'éventualité où l'un des 180 millions d'entraîneur reconnaissait l'impossible, que "...de toutes les façons nous sommes les meilleurs". Il faut bien trouver un responsable, le crucifier, lui mettre toute la responsabilité sur le dos, en profiter aussi pour se décharger du reste, de toute l'amertume de la vie.

C'est que l'on a pas encore compris au Brésil qu'aujourd'hui, avec la mondialisation et la dissémination des meilleurs joueurs et entraîneurs aux quatre coins de la planête, on a aussi augmenté la capacité de chacun d'apprendre à pousser un ballon rond et de le faire remonter collectivement vers le but adverse.  C'est bien là l'essence d'un sport collectif. Jouer ensemble et non les uns à côtés des autres comme on le fait trop souvent lorsqu'on on est un astre revétu d'un maillot jaune canari.

Admettre qu'il faille travailler et considérer les autres comme des adversaires et non comme des perdants en puissances tout en préservant la magie, le "jeitinho brasileiro". Sans doute est-ce la l'unique solution pour ne plus décevoir les 180 millions d'entraîneurs brésiliens qui restent sur le banc de touche et trop souvent malheureusement en dehors des terrains.

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